En voilà un titre bien accrocheur… qui joue sur le sentiment de mal-être des individus « trop intelligents ». Ce livre de Jeanne Siaud – Facchin a rencontré un franc succès et je pense que beaucoup de personnes ont pu s’identifier au profil du zèbre.

Le mythe de l’intelligence
De nombreuses croyances tournent autour du Qi et plus globalement de l’intelligence.
L’une d’entre elles veut qu’avoir un haut QI, en d’autres mots être surdoué, est une chance. Ce serait un avantage aussi bien dans l’apprentissage que dans la réussite professionnelle.
Ce n’est évidement pas le cas. Si être surdoué offre bien des facilités, cette caractéristique va de pair avec une fragilité émotionnelle. Ainsi les fortes capacités de compréhension, de mémorisation, de synthèse se mêle à une sensibilité extrême.
Les concepts de QI, d’intelligence de « haut potentiel » sont très approximatifs. Chacun a sa manière de vivre sa différence et tous les HP n’exprimeront pas leur plein potentiel. Pour éviter cette frustration liée aux potentiels non-exprimés et ainsi éviter « l’obligation » de réussite supposée lorsque l’on est HP, l’auteur préfère utiliser le terme zèbre.
Le cerveau et les particularités du cerveau zébré
Pour tenter de comprendre le fonctionnement des « zèbres « l’auteur évoque quelques points clés du fonctionnement du cerveau humain.
Le nombre de neurones n’a pas d’importance. Il s’agit plutôt du nombre de connections que nous pouvons augmenter par l’apprentissage de nouvelles choses. Le cerveau est multitâche et toutes les aires cérébrales sont utilisées. Il est également possible que certaines zones puissent reprendre une activité lorsqu’une autre est endommagée. C’est ce que l’on appelle la plasticité neuronale.
La vitesse de transmission de l’information dépend des individus. Elle est en moyenne de deux mètres par seconde mais varie en fonction des tâches.
Les émotions sont indissociables du fonctionnement du cerveau.
Quelques caractéristiques d’un cerveau de surdoué :
- Il est hyper-réactif. A comprendre, qu’il réagit à des stimuli faibles.
- La vitesse de traitement est proportionnelle au QI.
- Les informations sont présentées dans plusieurs aires cérébrales et sont traitées en même temps.
- Le surdoué n’a pas la capacité commune de trier et hiérarchiser automatiquement l’information à l’entrée. Il doit trier de manière consciente l’information. C’est ce que l’on appelle un déficit d’inhibition latente.
- Il sera difficile d’isoler un élément d’un ensemble plus large. Il se perd dans ses perceptions.
Le surdoué étant soumis à un flux continu de stimuli (externe, souvenirs, idées, émotions), il se retrouve vite saturé. Ce qui induit une forte émotivité et une forte fatigue.
En fonction du contexte, le surdoué sera perçu comme brillant ou au contraire médiocre. Pour des tâches bien définies avec un nombre de choix restreints (QCM), le surdoué réussira brillamment. Pour des questions plus ouvertes, cela peut poser un problème car il peut se perdre dans ses idées.
« Je ne suis pas d’accord avec ce point. Être surdoué ne veut pas dire que l’on est incapable de dompter son flux de pensées au point de ne pas savoir répondre à des questions à développement. Il faut juste développer une méthodologie et ne pas partir en errance. Pour moi, le problème tient plutôt dans l’incapacité à développer une réponse complexe lorsqu’il existe une réponse simple. Je me rappelle encore trancher les questions de mes professeurs avec deux phrases alors que ceux-ci attendaient un développement sur plusieurs pages. Mon affinité de « zèbre » pour les QCM vient plutôt de mon goût pour la simplicité et l’efficacité ainsi que pour mon aversion de ce qui ne sert à rien. L’aversion pour les questions à développement sans intérêt peut évidemment s’exprimer par de l’insolence ou un désintérêt flagrant. »
Le zèbre privilégie son cerveau droit. Il traitera l’information par arborescence et sa pensée sera riche d’idées, d’émotions et d’images. Il sera cependant difficile pour lui d’organiser et d’exprimer sa pensée de manière logique. C’est un être émotif qui s’embrouillera rapidement dans son discours.
Le zèbre est empathique, il ressent les émotions d’autrui. Il est de plus hyperesthésiques (voir synésthète). Ces sens étant amplifiés, il se fatigue très rapidement (plus particulièrement en société) et peut réagir violemment lorsqu’il se sent blessé.
« Ce passage me fait penser aux caractéristiques » de l’introverti ».
Le zèbre adulte se sent incompris, coupable de sa différence.
Zèbres vs intelligents bosseurs
Il est important de distinguer une personne intelligente (supérieur à la norme) d’un surdoué (très supérieur à la norme).
Le premier s’adaptera et pourra tirer parti de son intelligence pour réussir. Le second se sentira incompris, coupable de sa différence. Il devra d’abord apprendre à dompter son flux émotionnel avant d’envisager s’adapter.
Que devient l’enfant surdoué ? Un adulte surdoué bien évidemment …
Une enfance qui peut être chaotique
Deux points principaux influent sur le développement de l’enfant surdoué : le fait de se savoir différent (avec ses forces mais également ses faiblesses) et l’entourage.
L’enfant surdoué parle correctement rapidement et pose des questions en permanence. Il a besoin d’être rassuré tout le temps et lit tôt. Il a besoin de précisions et à tendance faire du « hors sujet » pour démontrer les limites aux raisonnements de ses professeurs. « Personnellement, je pense que l’enfant zèbre adore mettre le doigt là où il y a une faille logique surtout face à une autorité qui n’est pas toujours légitime. »
Il sera vite déçu par l’école et finira par s’éteindre faute de stimuli.
Plusieurs enfants zèbres se retrouveront en difficulté scolaire faute d’un enseignement adapté.
Les bizarreries et les centres d’intérêts étranges de l’enfant zèbre lui vaudront d’être rejeté par ses petits camarades. L’auteur indique que l’enfant « HP » a tendance à jouer au petit chef, à celui qui en sait plus que les autres.
« Un point que je n’ai pas noté dans le livre est que le zèbre finit par apprécier sa solitude. Souvent déçu par les relations humaines, il s’investit dans des passions à travers lesquelles il peut s’épanouir. Il nourrit un tempérament introverti. »
Une adolescence explosive
L’adolescence amplifie les caractéristiques du zèbre. Son sens hypercritique appliqué à lui-même, à son entourage ainsi qu’à la société le rend particulièrement réactif. Ses émotions le submergent et il préférera rester seul d’autant plus si personne autour de lui partage ses caractéristiques. C’est à l’adolescence qu’apparait sa volonté de « ne plus penser » pour être « normal ». Certains s’abêtiront afin de rentrer dans le moule.
Adulte « formaté » mais à côté de « sa » plaque
Passé par ces étapes, le zèbre adulte « non diagnostiqué » (ou plutôt qui s’ignore) sera convaincu de ne pas être intelligent. Il pourra, à travers des lectures, s’identifier dans les difficultés communes aux zébrés et pourra réaliser un « test » de QI couplé à un test de personnalité. « Pour moi, les tests ne sont pas indispensables… L’important est de faire le point sur son mode de fonctionnement. HP ou pas, la bonne affaire… L’important est de pouvoir réinterpréter son passé à la lumière de sa zébritude et surtout de s’accepter tel que l’on est dans sa vie présente. »
L’auteur groupe les zèbres en trois parcs :
- Ceux qui acceptent le cadre. Ils font les efforts d’adaptation utiles à une certaine intégration sociale mais explosent quand leurs émotions les débordent (stress…). « Je fais finalement partie de ce zoo mais à grand coup de somatisation… et après avoir été un rebelle zébré.
- Les rebelles. Ils sont toujours en colère. »
- Les errants. Ils ne se sont pas adaptés mais ne luttent plus. Ils sont les pro du cynisme.
Les zébrés se sentent souvent en décalage. Le problème est ici le tempo. Le zèbre aura raison trop tôt par rapport aux autres. Il sera donc incompris. « Le pire est quand un petit comique reprend texto les mêmes idées ou parole un peu plus tard dans la conversation ou une réunion…C’est rageant ».
Leurs standards très élevé, leur aversion totale à l’injustice et leur sentiment d’impuissance sont des freins majeurs à leur bonheur. Ils pourront s’enflammer pour une cause ou un projet et retomber tout aussi sec face à l’inaction ou le manque de résultat.
Le zèbre sera paralysé par ses peurs. Il interprètera et évaluera tout avant de commencer quoi que ce soit. Grand anxieux, il ira jusqu’à avoir peur de ses pensées et de ses sentiments. Cette anxiété pourra induire une phobie sociale. Il se sentira inadapté.
Le zèbre fuira l’ennui comme la peste. Il se lancera dans de nombreuses activités afin d’anesthésier ses pensées. Une autre technique sera de débrancher son cerveau. Le zèbre disjoncte net arrêtant au milieu de son discours.
Il sera impatient. Il sera envieux de la normalité des « autres ». Il ne supportera pas l’injustice quitte à se mettre en colère et à le regretter ensuite. Il cherchera du sens dans tout… et n’y trouvera pas. Il intellectualisera tout afin de se protéger des ses émotions et sera perçu comme froid.
D’après l’auteur, être un zèbre fille semble plus facile car elle se conforme plus facilement à la société. Mais leur intelligence fait peur et les isolent.
Pour élever un zèbre, il faut donner de la stabilité affective et faire en sorte que l’enfant se sente accepté comme il est (par ses parents, professeurs, amis…). Il doit apprendre à exprimer sa sensibilité.
Comment être heureux en tant qu’adulte surdoué
- Accepter sa nature. Connaitre ses forces et faiblesses.
- Profiter des petits bonheurs et les magnifier (images ressources et souvenirs)
- Jouer avec sa pensée. Profiter de sa créativité dans différents domaines.
- Jouer les « médiateurs » grâce à son empathie.
- Devenir un artiste grâce à son affinité pour l’esthétique et son gout pour l’harmonie
- Être dans le don et trouver des causes nobles
- Utiliser son énergie inépuisable… quand il est motivé par un sujet.
- Se rapprocher d’autres zèbres.
Avis d’un introverti
« Trop intelligent pour être heureux » dépeint un profil dans lequel beaucoup de personnes peuvent s’identifier. Tous les êtres sensibles, en décalage ou qui se perdent dans leurs pensées ne sont pas forcément des zèbres. Je me demande qu’elle est la part de l’effet Barnum dans l’identification à ces profils. Le profil du zèbre reprend un grand nombre de caractéristiques assez communes. Pour peu que l’on partage quatre ou cinq de ces points, on se sentira forcement un peu zébré.
2 commentaires sur « Trop intelligent pour être heureux – Jeanne Siaud-Facchin »